La connaissance des personnes accueillies doit accompagner les nouvelles dispositions sur les foyers-logement, défend Georges Arbuz, docteur en anthropologie et fondateur de l’association « La vie devant nous »(hôpital Bretonneau, Paris).
Les mesures annoncées par la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 pour la rénovation des foyers-logements (1) sont appréciables et constituent une avancée par rapport à la situation actuelle. Une grande partie de ces derniers datent des années 1960-70. Isolés du centre ville, les foyers-logement disposent de peu de moyens pour faciliter les déplacements de leurs résidents, les aider à participer aux activités de la cité, continuer à mener une vie active. Ces mesures gagneraient cependant à être complétées par la connaissance des personnes accueillies, la prise en compte des motifs et des circonstances de leur déménagement. En effet l’existence des aînés est souvent marquée par une succession de changements, de ruptures et d’accidents de santé, qui ont une incidence sur leur décision de déménager. Il faut surtout retenir que les crises, les accidents de parcours, les situations gérées en urgence, l’accompagnement sur le long cours d’un proche souffrant d’une pathologie chronique sont une source de fragilisation psychique, de tendance à réagir aux évènements douloureux par des désinvestissements successifs, ont un impact sur la pulsion de vie des personnes. Même lorsqu’elles semblent avoir surmonté l’épreuve, celles-ci en gardent des séquelles (2). L’être humain ne dispose pas de ressources infinies pour réussir les transitions, assumer les ruptures auxquels il est confronté (3). Le risque est de voir apparaître, quelques mois, voire un ou deux ans après, une lassitude, un repli, un retrait de la capacité de se réinvestir, une régression pouvant conduire de la tristesse à la culpabilité vers la dépression. Les demandes d’aide formulées par les sujets âgés ou par leur entourage surviennent souvent dans ce contexte.
Attentive à l’impact sur leur dynamique de vie des évènements auxquels ils sont confrontés, l’objectif de l’écoute à leur proposer est de leur permettre de mieux comprendre les retentissements psychologiques de ces épreuves, d’en décrire les conséquences pratiques, de mobiliser leurs ressources pour y faire face. La décision de déménager en foyer-logement ne se résume pas à la recherche d’une habitation plus fonctionnelle et mieux située. Elle est l’aboutissement d’une période de transitions, de crises et de ruptures, qui ont une incidence sur la décision et le vécu du déménagement. Les responsables et professionnels qui accueillent les nouveaux entrants, veulent les aider à tourner la page et à élaborer un nouveau projet de vie, peuvent trouver intérêt à mieux connaître ces données.
(1) En plus de leur remise aux normes, la loi prévoit d’adapter le parc aux besoins d’aujourd’hui et de repenser les projets de vie, d’apporter une réponse aux besoins locaux, une offre de proximité sécurisante et permettant de conserver des liens avec l’environnement, un projet de vie fondé sur le développement de la vie sociale, l’ouverture de la structure sur l’extérieur et la prévention de la perte d’autonomie.
(2) On pense ici à la réflexion de Michel Hanus à propos de la résilience : « Même si l’on sort victorieux de l’épreuve, on n’en sort pas indemne ; on en sort grandi, fortifié certes, mais avec une blessure morale secrète qui est loin d’être nécessairement cicatrisée » – « La résilience : à quel prix ? » Maloine 2001).
(3) Thomas P., Hazif-Thomas C. – « Démotivation et troubles de la conation » dans Psychiatrie du sujet âgé – J-M Léger (Médecine-sciences 1999)