Gilles Arnault, directeur, dénonce une terminologie inadaptée et pernicieuse.
Le nouveau credo des politiques sociales voudrait faire de la notion de « besoins » le socle épistémologique d’un langage partagé entre bénéficiaires et financeurs de l’action sociale. Mais comme l’ironisait Coluche : « Dites-moi de quoi vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer ! ».
Que cette volonté de structuration schématique –analyse des besoins / réponses en prestations- s’organise autour de la réforme de la tarification, doit pourtant nous interroger, comme nous nous étions interrogés sur la tarification à l’activité mise en œuvre en 2007 dans les hôpitaux : la question est de savoir si l’on soigne un cancer, ou plutôt la personne qui en souffre ?
De la même manière, force est de constater que l’on ne parle de besoins, comme d’ailleurs de projets, que pour des personnes en difficulté, victimes à des degrés divers d’une déficience ou d’un handicap dont les conséquences sur leurs vies nécessitent des actions concertées et organisées pour leur permettre une vie décente, et si possible humaine au sein de notre société.
La volonté simplificatrice de cette terminologie des « besoins » présente le très gros inconvénient de répondre d’abord à une définition mise en place par d’autres que les principaux concernés, ce qui explique pourquoi ils sont en effet les seuls à qui l’on applique ce type de vocable, les personnes non concernées ayant au passage la capacité de définir par elles-mêmes ce qui leur est bon, et accessoirement les moyens de l’obtenir.
Pourtant, de Maslow à une élaboration peut-être plus subtile d’un néo-organigramme des « besoins », notre vocation d’éducateurs ou de travailleurs sociaux ne saurait se satisfaire d’une approche éducative, thérapeutique ou pédagogique fondée sur une « catégorisation des déficits des ayant-droits », là où le travail d’humanisation implique au contraire la complexification des abords, de l’approche et des diversités relationnelles à entretenir avec les plus défavorisés de nos semblables.
Et cela n’a rien à voir avec l’organisation structurelle des institutions, ou si l’on préfère, il y a tout lieu bien sûr, d’évoquer et pourquoi pas d’inventer de nouvelles formes d’institutions, voire comme certains pays nordiques ou le Québec, d’envisager des formes de désinstitutionalisation, pour peu que l’individu en soit le centre d’intérêt, la projection ultime…
N’était-ce pas au nom d’un engagement humaniste que dans l’histoire de cette jeune sourde et aveugle à Larnay, sœur Marguerite a tout mis en œuvre pour permettre à Marie Heurtin d’entrer dans la communauté du langage humain, comme l’a fait également après elle l’éducatrice d’Helen Keller ? A la suite de Piaget ou de Jean Cartry, et de tant d’autres pédagogues de notre siècle précédent, pour qui l’essentiel se fonde sur la construction relationnelle, il est sans doute urgent de rappeler que les mécanismes de la construction sociale empruntent d’autres voies que celle de la pernicieuse simplification budgétaire.