La réflexion de Sadek Deghima, chef de service du service d’accueil de jour
« Le domaine des écureuils » (ADAPEI de Lens et environs)…
Diplômé CAFERUIS depuis 2013, j’ai pris mes premières fonctions en qualité de chef de service quelques mois plus tard au sein d’un service d’accueil de jour recevant des adultes en situation de handicap à partir de 20 ans. J’ai un parcours d’éducateur spécialisé en service de prévention spécialisée (éducateur de rue). J’ai toujours travaillé « hors les murs » directement dans la rue et j’appréhendais de travailler dans une institution avec des « hauts murs » et « une grille » à l’entrée qui me « coupait » de la rue. C’était ma première expérience avec un public en situation de handicap. L’équipe est composée de professionnels de formations diverses (AMP, ME, ES), dont certains sont présents depuis l’ouverture de l’établissement en 1991. Durant les six premiers mois j’ai beaucoup observé et je me suis attelé à essayer d’élaborer un diagnostic complet (interne et externe) sur le service et son environnement. Le service est installé dans une grande maison de maître, qui a été aménagée dans le respect des normes ERP (établissement recevant du public) en vue d’améliorer la qualité de l’accueil du public (accessibilité…). J’ai été interpellé, lors de ma première visite, par un magnifique parc arboré de 5000 m2 à l’intérieur de l’établissement. J’ai rencontré de nombreux acteurs du territoire en vue de me présenter et j’ai été surpris de la méconnaissance du service par beaucoup d’acteurs. Je constate que, sur le territoire, il existe un tissu associatif dense et riche.
Les enseignements dans le cadre de la formation C.A.F.E.R.U.I.S sur le management m’ont permis de mieux cerner les différentes manières de manager. Je pense que c’est à travers la combinaison des différents styles de management, que l’on construit sa propre posture. Il est important d’adapter son management en prenant en compte non seulement le profil des personnes mais aussi les contextes, l’autonomie et les compétences des professionnels. Avec cette équipe expérimentée, je me suis inscris dans un management qui se situe entre l’adaptatif et le participatif. Il vise à responsabiliser les professionnels en s’appuyant sur « la consultation des personnes concernées par une décision, la définition d’objectifs plutôt que de tâches, la délégation des décisions opérationnelles, la stimulation des décloisonnements verticaux (information) et horizontaux (concertation et coordination) » (1).
Il est important pour moi d’associer les équipes au processus du changement et de « faire participer les acteurs à l’élaboration des décisions qui les concernent [ce qui] permet [tra] de vaincre les éventuelles résistances ». L’équipe est composée d’individus ayant une multitude de compétences et également une bonne connaissance des problématiques du public. Il faut alors s’appuyer sur ces compétences et les valoriser afin d’exploiter au mieux les ressources et les ressorts à l’interne dans un premier temps. Selon Miramon : « Exercer un management participatif, c’est favoriser la coopération entre les acteurs de l’entreprise et la mise en synergie de leurs multiples compétences » (2).
Dans les équipes expérimentées, « les personnes aiment être responsabilisées car elles y voient un enrichissement et la réalisation de soi » (3). C’est pourquoi, il faut également les responsabiliser en s’appuyant sur des outils tels que la délégation. Toujours selon Miramon,
« confier à autrui la réalisation d’objectifs précis et négociés, à l’intérieur d’un cadre défini » (4) permet « de reconnaître « l’autre » au sein d’une équipe, de le valoriser en lui attribuant un rôle de relais » (5). La délégation a également pour objectif de développer l’autonomie et l’implication des professionnels dans l’organisation du service, d’alimenter leur motivation et de limiter l’usure qu’ils peuvent parfois ressentir.
Il convient également de s’interroger sur les évolutions nécessaires de nos modes et périmètres d’intervention éducative en vue de les faire évoluer. Dans le cadre de la volonté d’ouverture de l’établissement à et sur son environnement comme le recommande l’ANESM, les professionnels sont amenés à rencontrer des partenaires sur le territoire afin d’échanger sur leurs missions respectives et de mieux se connaître pour envisager la construction de projets communs. Un travail est né avec le lycée Léo Lagrange de Bully les Mines (Pas-de-Calais) depuis septembre 2014. Cette collaboration a démarré par une rencontre entre l’enseignante et l’équipe éducative, lors d’une réunion de service en juin 2014. Depuis octobre 2014, un travail en partenariat permet à des lycéens et à des adultes en situation de handicap de collaborer autour d’activités communes de création artistique (création d’un livre, auto-portrait, sensibilisation à l’écologie et à la citoyenneté). Depuis, bien d’autres projets ont vu le jour (construction d’hôtels à insectes avec des bénéficiaires du revenu de solidarité active en partenariat avec le centre communal d’action sociale de la ville…). Cette forme de travail permet également aux professionnels de développer leurs réseaux. Le réseau constitue l’ensemble des personnes ressources que le professionnel peut mobiliser pour répondre aux besoins et aux attentes du public accompagné en vue de lui apporter des solutions concrètes, rapides et efficaces. Toutes ces actions vont contribuer à améliorer la communication externe pour davantage de visibilité et de lisibilité sur notre territoire.
Le rôle du cadre est d’abord de mettre en place les conditions favorisant ces rencontres entre les membres de son équipe et les partenaires du territoire. Dans le cadre de mes nouvelles fonctions, il m’arrive de transposer des pratiques expérimentées en prévention spécialisée en les adaptant aux réalités du service et aux problématiques des personnes accompagnées. L’expérience que j’ai acquise en prévention spécialisée m’a convaincu qu’il est important pour un professionnel d’explorer son environnement et d’en avoir une connaissance fine afin d’y repérer les ressources existantes et de pouvoir les exploiter si nécessaire. Dans un contexte de contrainte budgétaire, la mutualisation des moyens (humains, matériels, financiers) au travers des différentes formes de partenariat (nourris et étayés par le développement et l’entretien de réseaux spécifiques) permet de développer de nouveaux modes d’accompagnement et d’apporter de nouvelles réponses. Il est, de mon point de vue de cadre, important de confronter et de « mailler » les cultures professionnelles pour renouveler les perspectives de travail et faire évoluer les dynamiques d’équipe.
(1) P. Becher – « Le management des compétences en action sociale et médico-sociales » –
Ed. Dunod (2005).
(2) Ibidem.
(3) F. Batifoulier, F. Touya – « Les pratiques professionnelles en action sociale et médico-sociale » -Ed. Dunod (2011).
(4) J. Miramon (1996). Op.cit.
(5) Ibidem.